Du n°11 de la rue des Tanneries, il arrive parfois qu’une poussière blanche de granit ou de pierre de Bouzentès se répande dans les airs. C’est Vincent Giordanengo, dit Vingo, qui travaille.
Son métier : tailleur de pierre. Ses passions : le basalte de Saint-Flour, le granit de Lozère et la sculpture. Vincent Giordanengo, on le connaît bien dsur le marché hebdomadaire. Sourire aux lèvres, béret basque sur la tête et bloc de granit de trois tonnes devant lui, le sculpteur travaille. Vingo est un véritable artiste aux doigts d’or, mais pas au cœur de pierre. « C’est en venant restaurer l’escalier de la tour sud de la cathédrale, que j’ai rencontré ma femme, il y a 22 ans. » Aujourd’hui, l’artiste a essaimé quelques-unes de ses œuvres dans le pays : la stèle dans la cour du centre de secours sanflorain, une croix à Avenaud près de Saint-Poncy, la fontaine de Vic-sur-Cère, « La Flamme » dans le cimetière de Besserette, mais aussi, une stèle offerte à la mairie d’Haselünne au moment du jumelage avec Saint-Flour. Vingo est un passionné, et rêve dorénavant, lorsque ce sera possible, de s’en aller vivre en Islande, « la vraie terre de la pierre ».
VINGO
Après des années dans son atelier au faubourg, le tailleur de pierre Vincent Giordanengo a décidé d’avoir pignon sur rue. Pour promouvoir son métier autant que ses œuvres.
Reconnaissable entre mille avec son éternel béret, la silhouette de Vincent Giordanengo, qu’on ne pouvait observer que sur le marché jusqu’ici, se dessine désormais toutes les après-midis, rue Marchande. Car le tailleur de pierre a décidé de reprendre la galerie Ascendance, dont il a même gardé le nom. « Adrien Laude avait le désir de vendre, et il m’a préféré, parce que je conservais un côté artistique au lieu. Et moi, j’avais une vraie envie d’avoir mon espace, que je conçois un peu comme une échoppe d’autrefois. »
Là, il a déplacé son atelier de la ville basse, et il présente ses œuvres, comme celles d’autres. « Une fois que j’ai posé les miennes, les murs sont nus, alors autant en faire profiter les collègues ! Pendant deux mois, j’ai des photos de Jean-Claude Castagna, les deux suivants j’enchaînerai avec des œuvres de Caroline Pons, je vais essayer de toujours accueillir des artistes locaux. »
Transmission
Mais le spectacle est aussi devant le magasin. Où, tous les jours, l’artiste se pose avec ses outils, pour tailler ses pierres, et le bout de gras avec ceux qui passent. « Mon métier se perd, et je n’ai pas envie qu’il disparaisse. En travaillant dans la rue, je ne veux pas me faire de la pub, mais montrer mes gestes, et peut-être, pourquoi pas, susciter des vocations. C’est vraiment le but de mon installation en ville : faire la promotion de mon métier. » Après 45 ans de carrière, entre l’armée, les monuments historiques et la taille pure, « mais toujours dans le caillou », celui qui a quitté l’école à 17 ans pour « suivre cette vocation » entend donc se faire passeur. Comme il a pu le faire très récemment. « Jérôme Gras m’a envoyé quelques jours Yliess, un jeune du centre éducatif renforcé de Saint-Georges. Je lui ai prêté mes outils, et il a instinctivement su s’en servir, il a fait de super choses en très peu de temps. C’est un gosse qui a sûrement eu des soucis dans sa vie, et je me dis que découvrir une nouvelle voie comme celle-là peut lui faire du bien. »
Promotion
En présentant ces œuvres, qui proviennent de son inspiration comme de commandes (il travaille, par exemple, actuellement des gargouilles pour une piscine à débordement), il entend aussi promouvoir la pierre locale. « C’est notre richesse, mais on ne la met pas suffisamment en valeur. De tous temps elle a été travaillée, et en plus, ici, on a une vraie variété : on a tout, sauf du calcaire. Mais on n’a rien à Saint-Flour pour la mettre en valeur. Je rêve d’une maison de la pierre, de parcours pour la faire découvrir… dans le Tarn ou à Masgot dans la Creuse, ils ont su le faire, alors pourquoi pas nous ? »
Projets
Il aimerait aussi qu’une filière de réemploi s’organise. « Le basalte, je le trouve dans la nature. Et pour la pierre de Bouzentès, je n’utilise que celle qui a déjà servi. Pour des questions écologiques, mais aussi esthétiques. La pierre est éternelle, et c’est le seul matériau qui peut être retravaillé. Je pense donc qu’on pourrait, de manière associative sûrement, s’organiser pour la récupération. »
Mais s’il fourmille d’idées, et donc de projets car il part du principe que « quand on peut le faire, pourquoi s’abstenir ? », Vingo ne se met pas la pression. « J’ai acheté, je ne risque rien à avoir mon atelier ici. Je suis comme Jief, comme Bruno Coupat (respectivement photographe rue Marchande et coutelier rue des lacs) : je pourrais m’arrêter, mais j’aime tellement ce que je fais que je continue, pour le plaisir. Car en plus, j’apprends toujours. » Et, maintenant qu’il a pignon sur rue, il pourrait même apprendre aux autres.
Yann Bayssat (La Montagne-Saint-Flour)